PROMESSE 3 / « Le Coeur Innombrable »

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PROMESSE 3 / « Le Coeur Innombrable »

La vie profonde

Être dans la nature ainsi qu’un arbre humain,
Étendre ses désirs comme un profond feuillage,
Et sentir, par la nuit paisible et par l’orage,
La sève universelle affluer dans ses mains.

Vivre, avoir les rayons du soleil sur la face,
Boire le sel ardent des embruns et des pleurs,
Et goûter chaudement la joie et la douleur
Qui font une buée humaine dans l’espace.

Sentir, dans son cœur vif, l’air, le feu et le sang
Tourbillonner ainsi que le vent sur la terre ;
— S’élever au réel et pencher au mystère,
Être le jour qui monte et l’ombre qui descend.

Comme du pourpre soir aux couleurs de cerise,
Laisser du cœur vermeil couler la flamme et l’eau,
Et comme l’aube claire appuyée au coteau
Avoir l’âme qui rêve, au bord du monde assise…

Anna de Noailles – (Recueil Le coeur innombrable)

Profiter, que n’ai-je pas pris assez au sable des parties du goût de ta peau quand tu t’en étais roulée pareille à la vague dans l’éclat de notre m’aime cri, nus l’un dans l’autre, tous les habits de la grimace perpétuelle du monde jetés aux orties ? Profiter, de l’assaut  hors de la mort des guerres que mes parents ont traversé, ma main tenue, je me demande et jamais ne saurait, comment elle a réussi à franchir le feu meurtrier. Profiter, des guitares se collant aux murs des rues qui montent à la lune, accroché comme l’hibiscus mauve de rose tirant au bleu, le toro sans les oreilles ni l’aqueux sorti du labyrinthe. Profiter, éjaculé d’un front populaire ce refus de subir du con j’ai payé. Profiter, de l’équité qui laisse aux femmes les poils qu’un féminisme anti-nature arrache, pour une pseudo éternelle illusion infantile. Profiter, mon libre-arbitre sur tous les terrains de foutre bal comme un ça ira, si on y va, pas si y on reste. Profiter, à bâtir des trous dans les murs. Profiter, dans un monde aveugle de mon oeil visionnaire avant que la surdité ne l’ô raye. Profiter, vivre, vivre, ô oui vivre, debout putain de cheval, ruant des rins au centre d’un univers ne rêvant qu’au profit. Ne laisser au temps que la place légitime qu’il nous accorde, sans perdre le sens de l’heur lisible sur la voûte étoilée. Les jardins n’ont que des voyages au fond des valises et des épines aux bouts des tiges, raison suffisante pour ne rien ignorer de la culture de l’école buissonnière. Ne croire qu’en son âme dès lors qu’en se torchant, on a pas condamné un arbre à devenir victime de la divine comédie humaine.

Niala- Loisobleu – 2 Mai 2017
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(Promesse 3 – 2017 – Niala – Acrylique s/contrecollé, encadré s/verre 40×50)

LES VILLAGES BLEUS 5

LES VILLAGES BLEUS 5

Lèche tes portes

pomper en corps

Chaque branche à sa goutte

au bout d’elle

puisqu’aile n’est que l’au-dessus

d’une apparence variable

Entrechoc

la peau pierre se frotte

à l’âme acérée

faite de l’invisible dévoilé

par la lumière

du regard de ma pensée

Où est-elle

sur quelle herbe

dans quelle mer

sinon aux arômes qui la désignent

d’une marque fossile

à mes mains ?

Elle a déshabillé tous les interdits

mis ses larmes aux rivières

pour que je navigue au fil d’eau douce

plus loin que son âge pour garder ses secrets vierges

sans rien me dissimuler des passages privés

sous l’écorce de ses bois, disait-elle, mais ?

Chante-t-elle que le marbre veine un végétal frisson ?

Sourit-elle que la glace quitte la banquise pour ouvrir la psyché ?

Pense-t-elle à tout et à rien que le cheval rectifie son galop pour l’amble ?

Nage-t-elle que l’écaille de l’océan s’accouple au rose des nacres ouvertes ?

Fait-elle silence pour que l’air devienne cimaise où le Beau s’accroche ?

Me regarde-t-elle que je vois où se trouvent mes palettes ?

Si je garde le jardin hors des routes terrestres

c’est à cause de la couleur des plumes des plantes

de la forme étrange des fleurs

du pouvoir du gros arbre qui les dissimule aux rotations des prédateurs

dans le drain de cette source où elle apparaissait fontaine

sur un ciel posé à la surface de l’eau troublée

par l’interposition d’une porte en trompe-l’oeil

Niala-Loisobleu – 25 Mars 2017

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Les Villages Bleus 5 – 2017 – Niala – Acrylique s/contrecollé, encadré s/verre 20×40

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LES VILLAGES BLEUS / N°3

LES VILLAGES BLEUS

(N°3)

 

…Je préviens que j’emploierai ce mot [poète] au sens large des anciens ; non pas du faiseur de vers — qui n’en a plus aucun pour nous — mais désignant tout artiste dont l’ambition et le but sont de créer, par une œuvre esthétique faite de ses propres moyens une émotion particulière que les choses de la nature, à leur place, ne sont pas en mesure de provoquer en l’homme. En effet, si les spectacles de la nature étaient capables de vous procurer cette émotion-là, vous n’iriez pas dans les musées, ni au concert, ni au théâtre, et vous ne liriez pas de livres. Vous resteriez où et comme vous êtes, dans la vie, dans la nature. Ce que vous allez chercher au théâtre, au musée, au concert et dans les livres, c’est une émotion que vous ne pouvez trouver que là — non pas une de ces émotions sans nombre, agréables ou pénibles, que vous dispense la vie, mais une émotion que l’art seul peut vous donner.

Il n’y a plus personne aujourd’hui pour croire que les artistes apprennent leur art et leur métier dans la nature. En admettant qu’elle soit, comme on l’a dit, un dictionnaire, ce n’est pas dans un dictionnaire que l’on apprend à s’exprimer. […] C’est par les toiles des maîtres que sont d’abord émus les jeunes peintres, par les poèmes des aînés que sont remués, blessés à vie, les futurs grands poètes.

[…] les vrais poètes ne peuvent prouver la poésie qu’en poétisant, si je puis dire. Pour moi, à qui certains prestigieux moyens n’ont pas été très libéralement départis, je suis bien obligé de m’y prendre autrement. On a souvent dit et répété que la poésie, comme la beauté, était en tout et qu’il suffisait de savoir l’y trouver. Eh bien non, ce n’est pas du tout mon avis. Tout au plus accorderai-je que la poésie n’étant au contraire nulle part, il s’agit précisément de la mettre là où elle aura le plus de chance de pouvoir subsister. — Mais aussi, qu’une fois admise la nécessité où l’homme s’est trouvé de la mettre au monde afin de mieux pouvoir supporter la réalité qui, telle qu’elle est, n’est pas toujours très complaisamment à notre portée, la poésie n’a pas besoin pour aller à son but de tel ou tel véhicule particulier. Il n’y a pas de mots plus poétiques que d’autres. Car la poésie n’est pas plus dans les mots que dans le coucher du soleil ou l’épanouissement splendide de l’aurore — pas plus dans la tristesse que dans la joie. Elle est dans ce que deviennent les mots atteignant l’âme humaine, quand ils ont transformé le coucher du soleil ou l’aurore, la tristesse ou la joie. Elle est dans cette transmutation opérée sur les choses par la vertu des mots et les réactions qu’ils ont les uns sur les autres dans leurs arrangements — se répercutant dans l’esprit et la sensibilité. Ce n’est pas la matière dont la flèche est faite qui la fait voler — qu’importe le bois ou l’acier — mais sa forme, la façon dont elle est taillée et équilibrée qui font qu’elle va au but et pénètre et, bien entendu aussi, la force et l’adresse de l’archer.

Pierre Reverdy (Sable mouvant, Au soleil du plafond, La Liberté des mers, suivi de Cette émotion appelée poésie, édition d’Étienne-Alain Hubert, Poésie / Gallimard, 2003, p. 94-95, 96, 107-108. [/i]

Salut Montparno,

toi qui me mandoline

Comme si, à la recherche du sens, tu m’rappelais Amédéo

Sous couvert de ton cimetière

Histoire de me sortir la tête de l’eau

Matière de doute c’est sûr que Modi, lui, y fait référence

Plus maudit que lui tu meurs, d’ailleurs ils se sont pas privé d’lui dire, les braves gens

Pas étonnant que l’Art N’aigre t’ait inspiré la forme de ton émotion

Le rouge dans ton verre, à La Ruche tu t’en ais piqué le pif jusqu’au Dôme

A la tienne, que j’rêve tout ô

Tout seul

Dans le trou de chiottes de l’avis unanime

Ya des Cours où la lâcheté trône

Y’en a une monumentale que tu as habité plus que quiconque

C’est celle qui partant de ta fenêtre, atterrit sur le pavé de la cour

Jeanne Hébuterne

Avec ton enfant dans l’ventre

Salut Montparno, toi qui me mandoline

en corps des années après

Cimetière des arbres éternels, source vive où le frisson est toujours

Village Bleu

où dans l’égarement des valeurs je r’trouve toute la gamme des bonnes notes

Aujourd’hui j’ai laissé la parole à

Pierre Reverdy

il a tous les mots de ma pensée.

A présent passée

De Paname à Charente

Cabane maritime

Alain Niala

19 Mars 2017

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Les Villages Bleus – 2017 – Niala – Acrylique s/contrecollé, encadré s/verre 65×50

BON JOUR PAPA

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Bon Jour Papa

L’escalier n’a pas perdu une de tes marches, du 1er où sont restées les chambres, la rue de la Garenne reste plantée à cette dernière partie terrestre de notre vie commune. Sous les fenêtres de la salle-à-manger le tabac que tu avais planté pour pallier aux duretés des années de guerre est sans doute en train de pointer ses volutes odorantes. Nous, nous avons des fumées pas comme les autres, d’ailleurs y a pas que les fumées qu’on a différentes. Je te dois d’être fou, peintre et de surcroît poète. Quel cadeau qui ne doit rien au ciel.

Ce matin j’ai pensé te demander ton avis sur la réminiscence. Entre autres choses ayant hérité de ton gène de visionnaire, figures-toi, que je fais l’objet de voyages à l’envers. La vie présente, colle une image supplémentaire  qui se glisse entre mes yeux et l’extérieur de la fenêtre. Je suis là et ailleurs, mais en un endroit connu.

-As-tu ces visions là au ciel, ou bien en avais-tu eu connaissance dans le monde d’en bas où je les ai actuellement ?

-Oui bien sûr. Tu ne rêves pas au sens commun, tu voyages dans ton subconscient parce qu’il se passe un évènement majeur en ce moment dans ta vie, mon garçon. Un changement se forme. Sans doute quelque chose de larvé qui prend vie. Cela tient à la fois du nettoyage, le changement de ce que l’on ne veut plus devoir subir. Tu mues un hiver en toi, que le printemps chasse. C’est la manifestation d’un statut important de ton existence qui va où changer comme tu l’espères, ou s’éteindre faute de le pouvoir ou vouloir.

Tu sais Papa, je n’aurais jamais pu faire mon parcours sans ta présence. En dehors de te parler tous les jours, je colle mon oreille au pied de l’escalier du 2°. Et ta voix m’en chante des chansons de nos rues. Notre atelier commun vibre quand tu les entonnes à tue-tête !

Je vais peindre, j’y vois plus clair quand j’ai les doigts pinceaux. Mon oeil et son frère me font plus la même douleur qui brûle. C’est le bain de lumière qui fait un feu en dehors d’eux.

Je t’embrasse mon Papa, à bientôt.

Alain, ton fils

Ici-Bas ce 16 Mars 2017

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