MOTS D’ENCRE 5 (A Simone Veil)
Versant une larme bleue, mon Encre n’a pas de mots pour dire ta grandeur Simone, tant elle est simplement simple, qu’on peut la classer unique dans ce monde où les mots ont remplacés l’acte. vas tranquille ce que tu as fait restera. Cela suffit à te différencier encore de tous les hâbleurs de ce monde, parmi lesquels un grand nombre joue déjà les pleureuses autour de ton image.
Sois sûre que tu demeuras le BON EXEMPLE, ce qui les exclura.
Je t’aime et suis heureux d’avoir travaillé à ta cause.
Niala-Loisobleu – 30 Juin 2017
Simone Weil, « L’Iliade ou le Poème de la force » (1940-1941)
*
La force, c’est ce qui fait de quiconque lui est soumis une chose. Quand elle s’exerce jusqu’au bout, elle fait de l’homme une chose au sens le plus littéral, car elle en fait un cadavre. Il y avait quelqu’un, et, un instant plus tard, il n’y a personne. C’est un tableau que l’Iliade ne se lasse pas de nous présenter :
… les chevaux
Faisaient résonner les chars vides par les chemins de la guerre.
En deuil de leurs conducteurs sans reproche. Eux sur terre
Gisaient, aux vautours beaucoup plus chers qu’à leurs épouses.*
(…)
La force qui tue est une forme sommaire, grossière de la force. Combien plus variée en ses procédés, combien plus surprenante en ses effets, est l’autre force, celle qui ne tue pas ; c’est-à-dire celle qui ne tue pas encore. Elle va tuer sûrement, ou elle va tuer peut-être, ou bien elle est seulement suspendue sur l’être qu’à tout instant elle peut tuer ; de toute façon elle change l’homme en pierre. Du pouvoir de transformer un homme en chose en le faisant mourir procède un autre pouvoir, et bien autrement prodigieux, celui de faire une chose d’un homme qui reste vivant. Il est vivant, il a une âme ; il est pourtant une chose. Être bien étrange qu’une chose qui a une âme ; étrange état pour l’âme. Qui dira combien il lui faut à tout instant, pour s’y conformer, se tordre et se plier sur elle-même ? Elle n’est pas faite pour habiter une chose ; quand elle y est contrainte, il n’est plus rien en elle qui ne souffre violence.
*La traduction des passages cités est nouvelle. Chaque ligne traduit un vers grec, les rejets et enjambements sont scrupuleusement reproduits ; l’ordre des mots grecs à l’intérieur de chaque vers est respecté autant que possible. (Note de Simone Weil.)
Mots d’Encre 5 – 2017 – Niala – Acrylique et encre s/contrecollé encadré s/verre 30×40