JARDINS SUSPENDUS

 JARDINS SUSPENDUS

 Hier encore un peu infirmes

Nous cherchions à tâtons les géographies intimes

Aux veines paresseuses de la route endormie

Et au crime perpétué en silence sur les corps engourdis.

C’est à la fenêtre peinte d’un vert jardin

Que nous nous mîmes en chemin, calmes et fous

Tenant le cadre solidement à deux mains

Comme on épouse comme on rejoint

Et les arbres nous pansaient dans l’idée floue qu’on avait d’eux

Nous bâtissant des jambes pour marcher

Et des lignes à suivre aux fronts qui acquiescent, heureux.

L’époque était à la terre et à l’essaim sensible des feuilles

Aux ventres blancs qui palpitent

Aux chiens qui réclament la balle pour revenir plus vite

Et à la croissance insolente de la clématite.

Illisible dans l’avant

Illisible dans l’après

Elle réclamait l’instant nu

Le seuil

La tendre retraite au pré de l’épousée

La menthe la mousse l’amour des jardins suspendus.

 

 Barbara Auzou

 

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Jardins suspendus – 2018 – Niala – Acrylique s/carton toilé 46×38

SERENITE

 

SERENITE

Quand il sera évident

Que la part d’ombre s’accroît

Sur un ciel de poussières et de sentences

Et reste perplexe au seuil du sensible lendemain,

Je prendrai ma mendiante par la main

Et fermerai ses yeux trop grands

Pour que cesse enfin la danse de la faim et du couteau

Et le chant inconsolable au ventre gorgé d’eau.

J’insufflerai la patience à l’insecte de son corps

Avant de le confier au fleuve qu’on remonte lentement

Qui berce la colère et conte au sampan

Des histoires d’amours solaires et de paravents d’or.

Rendue à la mer ravie, l’enfant intacte d’hier

Se balancera au croissant blanc

D’une sérénité lunaire.

Barbara Auzou

 

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Sérénité – 2018 – Niala – Acrylique s/toile 65×54

DOUBLE JE

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DOUBLE JE

Voici Double Je, le tableau et son poème indissociable. Fruit de ma huitième collaboration avec le peintre Niala-Loisobleu.

Double Je – 2018 – Niala – Acryliques/contrecollé, encadré s/verre 60×80

Tu m’écris d’un temps sans âge

à faire fuir l’effroi des journées,

à forger des couleurs inventées

à l’orange de nos visages .

Tu m’écris pour arracher à la fatigue de parler

le mot nu qui manque au langage

et qui reste à la palette inconsolé.

Tu m’écris contre les poussières éprises de peu

qui s’agrègent comme des sentences

au poumon en feu.

Et moi je peins

et crie à la porte fermée des hommes

et à la fleur de coton pendue à la fenêtre

qui avorte de son jour.

Je peins et crie à tromper la nuit économe

pour lui faire croire au matin,

pour mordre les douleurs sur les lits du passé

et faire renaître l’enfant lointain.

Je peins

et crie contre l’injure du banal

à en découdre sans fin

au miroir du double je.

S’il y a un vide

c’est qu’il est ardent

écris-tu.

Et c’est au pinceau d’un ciel qui s’était perdu

que nous accrochons des printemps

comme autant de ventres lavés de larmes.

Barbara Auzou

P1050593